Il y a toujours un après

Il y a toujours un après.

Pourquoi avoir peur alors ? Serrer les dents, serrer le corps, avancer les muscles tendus, résister, faire front, ne pas céder, aller au-delà, vaincre, affronter, tenir.

Il y a toujours un après.

Pourquoi la vie serait-elle une série d’épreuves, de défis successifs? Pourquoi faut-il résister ?

Il paraît impossible d’exister sans lutte, sans effort, sans combat.

Toute petite, j’ai appris que le monde est hostile.

Mais qui est hostile exactement ? Qui nous menace ? Qui nous fait peur ?

Qui me réveille la nuit, les yeux tendres puis les yeux fous et me dévore ?

Toute petite, j’ai appris que le monde est hostile.

Depuis je combats sans cesse, sans cesse, mon ennemi invisible.

Les pensées

Après cinq années l’olivier était miséreux dans son pot. La cochenille l’a attaqué. Je l’ai rempoté dans du terreau frais, une petite taille et j’espère qu’il repartira. Poser les pensées. Elles dodelinent dans le vent. Sentir leur parfum de miel. Arroser.

Ce matin, en passant dans le mail qui longe le conservatoire, le tapis de feuilles était si épais, qu’il absorbait le bruit des pas.

Un déjeuner japonais avec Clo.

Le cinéma l’Arlequin avec les enfants. Nous sommes allés voir Sur le chemin de l’école.

Je voulais mettre une photos des pensées mais je n’y arrive pas sur ce nouvel appareil moderne. Tant pis.

Plein soleil

Il faut cette journée grise pour se remémorer le plein soleil d’hier. J’avais remisé le stylo, les préparations pour la rentrée. Overdose, au bord du dégoût.

Il n’y a aucune originalité dans mes pas. Ceux qui me conduisent progressivement aux Tuileries. Un peu plus loin au bord de la jetée. Je m’enfonce dans une chaise métallique, plein sud, mon paradis gris, chic et désordonné. Place de la Concorde, sériée de lignes et de courbes, verre et eau à la fois. Mon Paris insolent, nonchalant, paresseux. Je ferme les yeux. Cuire comme un œuf à la coque. Les coquilles rousses à nos pieds.

Longer l’allée, faire le tour du bassin, boule d’or au milieu. La Fiac égrène des œuvres et de jeunes gens en blouson « médiation ». Le jardin, les touristes, un pont chinois en céramique bleu, la perspective dans une boîte multicolore, cadrage, visages curieux.

Dans le parc il y a toujours des endroits de vide, des silences et des choses qui se disent.

Longer une partie oubliée et laide. Renoncer à la queue pour Frida Kahlo (de toute façon pas motivée). Alors de l’autre côté, personne, Irving Blumenfeld au musée du Jeu de paume.

Au revoir Madame, Bonnes vacances

Vendredi dernier à 15h30, ils sont entrés dans la classe particulièrement excités. Globalement, j’arrive maintenant à faire cours avec ces troisièmes mais là…

Pour se justifier certains m’ont dit :

-Vous êtes notre dernière heure de cours.

A travers le brouhaha, J’ai fini par leur annoncer calmement que j’avais prévu de faire un certain nombre de choses avant leur évaluation (et oui, j’avais prévu une petite évaluation) et que je tenais à les faire, tant pis si cela nous prenait du temps.

Ils ont fini par se calmer et par râler quand ils ont compris que c’était, en plus, un travail de recherche que je leur filai pour les vacances. Ensuite, il y a eu un silence de mort pendant l’évaluation.

Djami face à moi lançait un regard très oblique sur la feuille de son voisin, je le rappelai à l’ordre.

–      Vous exagérez, Madame, je n’ai même pas encore commencé à regarder.

Ce mignon lapsus, capté par l’ensemble du premier rang, nous a bien fait sourire.

C’était agréable ce silence sauf que cela faisait ressortir l’animation qu’il y avait dans la salle à côté.

–      C’est pas possible.

–      Mais ils font quoi ?

–      C’est la voix de Steeve.

–      Madame, on peut pas se concentrer.

–      Font un goûter ou quoi ?

–      Madame, est-ce que je peux aller leur dire ?

Bien sûr, le silence absolu se paie, surtout un dernier jour, une dernière heure. La pression s’accumule… Par conséquent, la correction du contrôle a provoqué des scènes de liesse. Je m’arrête, certains s’énervent contre les agités. « Bordel, vous faites chier ». « Ce sont des animaux » Je sens que la journée a dû être difficile de manière générale et quelques uns en ont assez de l’agitation des autres. J’ai un petit pincement au cœur, mais la reconnaissance d’un conditionnel, d’un passage au discours indirect les font trépigner de joie. Et puis cela a sonné…

Au revoir, Madame. Bonnes vacances. Au revoir. Bonnes vacances, Madame. Ils y tiennent. Certains font le détour jusqu’au bureau. Au revoir, Madame. Bonnes vacances.

 

copies

J’ai corrigé 187 copies cette semaine. Peut-être une folie, mais je vais en récupérer plus d’une centaine cette semaine, il faut donc faire place nette.

Certaines m’ont bien fait rire : l’hiperbonne au lieu de l’hyperbole, le chevalier Roland qui fait une pause pipi derrière un buisson pendant la bataille de Roncevaux, le chevalier Roland sur son cheval Findus…

La première période s’achève, je suis contente d’avoir tenu le coup.

Jeudi, j’ai rangé les affaires d’été et sorti les affaires d’hiver. La penderie est un camaïeu de gris, noir, brun, bleu, beige.

Acheté des pensées, un cyclamen aussi, enlevé les géraniums. Rien de très original mais le petit balcon sud est pimpant. S’asseoir encore une fois cet après-midi, profiter d’un rayon de soleil.