Je me suis inscrite au cours de français de Première proposé par le CNED.
Pourquoi ?
Parce que je n’ai pas le bac français ? Non
Parce que je m’ennuie le soir et le week-end ? Non
Parce que je n’ai pas assez de choses à faire ? Non plus.
Alors pourquoi ?
Si je renouvelle ma demande de détachement (d’instit à prof de français), si je demande cette fois ci le rectorat de Versailles, si toutes les étapes fonctionnent et que l’année prochaine je suis nommée quelque part, ce serait pas mal que je me remette dans les rails (et que j’arrête de laisser trainer des fautes d’orthographe).
J’ai potassé pas mal de choses l’année dernière mais l’avantage du cours, c’est qu’il y a des exercices, le jargon actualisé, et les indémodables commentaires et dissertations.
En passant par Voltaire, je suis revenue à Pascal. Pascal considérait le « divertissement » qui nous détourne de la réflexion, comme « la plus grande des misères ». Pour Voltaire au contraire l’action est la clé du bonheur humain : « L’homme est né pour l’action, comme le feu tend en haut et la pierre vers le bas. N’être point occupé et n’exister pas est la même chose pour l’homme »
Voici quelques extraits des Pensées
« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux, de n’y point penser. »
« Rien n’est plus insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. »
« Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. C’est une sphère dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu, que notre imagination se perde dans cette pensée. Que l’homme, étant revenu à soi, considère ce qu’il est au prix de ce qui est ; qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même son juste prix. Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? (…) Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ? Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout. Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable, également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti. Que fera-t-il, sinon d’apercevoir (quelque) apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes ces choses sont sorties du néant et portées jusqu’à l’infini. Qui suivra ces étonnantes démarches ? L’auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire. »
« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui ; l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste dons en la pensée. C’est de là qu’il nous faut nous relever, et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. »
Voici un extrait de la Lettre XXV des Lettres philosophiques. Voltaire s’oppose à Pascal. Il voit en lui un fanatique qui égare l’homme dans la métaphysique et le dégoûte de la vie terrestre .
« J’ose prendre le parti de l’humanité contre ce misanthrope sublime ; j’ose assurer que nous ne sommes ni si méchants ni si malheureux qu’il le dit (…) Pour moi quand je regarde Paris ou Londres, je ne vois aucune raison pour entrer dans ce désespoir sublime dont parle M. Pascal ; je vois une ville qui ne ressemble en rien à une île déserte, mais peuplée, opulente, policée, et où les hommes sont heureux autant que la nature humaine le comporte. Quel homme sage qui sera plein de désespoir parce qu’il ne sait pas la nature de sa pensée, parce qu’il ne connaît que quelques attributs de la matière, parce que Dieu ne lui a pas révélé ses secrets ? Il faudrait autant se désespérer de n’avoir pas quatre pieds et deux ailes. Pourquoi nous faire horreur de notre être ? Notre existence n’est point si malheureuse qu’on veut nous le faire accroire. Regarder l’univers comme un cachot, et tous les hommes comme des criminels qu’on va exécuter, est l’idée d’un fanatique. »
Le texte de Pascal me touche directement au cœur. Son style n’est-il pas effectivement sublime ? L’ironie voltairienne semble à peine effleurer ce grand frisson. Bien sûr on peut se moquer de ce génie visionnaire. Bien sûr on préférera « les Délices » et le jardin voltairien à l’austère Port-Royal. Avec Pascal nous sommes parfois si près de l’insupportable vérité, au bord de ce gouffre, retenu par un souffle. Bien sûr la facilité, la sagesse, l’instinct nous pousse à la fuite, à l’action.
Mais puisque cette action me ramène à Pascal et à la pensée. Suis-je perdue?