Hier nous nous sommes retrouvés les anciens « années 69-70 » du lycée Maurice Ravel. Une belle idée initiée par Corto et sa femme, tous les deux anciens du lycée et mari et femme. Certains ne se sont jamais perdus de vue. Amis d’adolescence, d’enfance. Proche du XXème arrondissement, quelques-uns ont migré plus loin. Nous revoir, parents à notre tour. Evoquer le lycée, le collège. Avec certains l’école Gambetta. Nos profs. Ce que nous sommes devenus, avons fait. Pendant ce temps-là, les enfants indifférents, libres, tranquilles vaquent à leurs occupations dans un grand jardin. Gaby (qui a 3 ou 4 ans) a subtilisé un gros paquet de chips et s’enfourne les pétales salés en nous regardant allongé sur les marches de l’escalier.
Il n’y a pas de nostalgie, pas de tristesse. Ravel, c’est un morceau à l’état brut. Le bloc de l’adolescence : 11 ans 17ans, sixième terminale. L’adolescence crue, celle qui dévore la vie. Fusionnelle, dure, passionnée, chaotique, sans repos. Aujourd’hui, c’est confortable de la regarder, de loin.
C’est donc une catégorie Ravel qui s’ouvre et un premier souvenir, celui de la dernière fois.
C’est le dernier jour, la dernière heure de classe en terminale. Nous sommes en physique-chimie, je crois. Cela sonne et avec d’autres, en bavardant, nous nous dirigeons vers la porte de la classe. Une conversation anodine. Plus je m’approche du seuil de la porte, plus un sentiment étrange m’étreint. J’ai passé des milliers et des milliers de fois le seuil d’une classe de mon lycée Maurice Ravel. De la sixième à la terminale. Entrer dans une classe. Sortir de la classe.
Je m’approche du seuil et je sens instinctivement que c’est la dernière fois. Ce pas au-dessus du seuil. C’est la dernière fois. Pourtant nous le franchissons en bavardant. Est-ce que nous parlions du bac ? C’est terminé. Je suis sortie de la classe.
Cet instant s’est figé ainsi dans ma mémoire. Les pages des années lycée se fermaient là. Si intenses, si émouvantes. Cela se fermait et plus rien ne pourrait s’y écrire.